Buguélès, 29 mars 1993
Chère Claudette,
[…]
Tu me manques. Je m'ennuie de nos longues conversations téléphoniques, de mes visites impromptues, de nos rencontres matinales autour d'un café. Tu me manques surtout depuis que le printemps est ici en Bretagne et que de multiples pousses sortent de terre et dévoileront bientôt des fleurs sans doute connues, mais que je ne pourrais nommer. Quand nous nous reverrons, en mai, je te promets que je serai plus attentive à tes cours de botanique.
Que se serait-il passé si, à l'époque de mon premier divorce, nous n'avions pas été toutes les deux si branchées sur l'hétérosexualité, si accrochées à nos interminables remises en question? Te souviens-tu de toutes ces heures passées à nous raconter nos misères, nos amours hétérosexuelles déçues, nos meurtrissures, notre quête de l'absolu? Et quand tu as vendu ta maison de l’Île, te souviens-tu de ces longues fins de semaines où tu m'hébergeais dans ta banlieue pour permettre au père de mes enfants de prendre la relève? Tu es même allée jusqu’à me prêter ta maison pour certains de mes ébats amoureux clandestins.
Quinze ans plus tard, nous sommes toujours des amies, et pour ton amitié et ton soutien, je te suis reconnaissante. Voilà c’est dit!
À bientôt, Ann